Marie Dupont
Avocat au barreau de Bruxelles et Médiateur agréé
mdupont@intakt.law
Généralement, le conflit naît de l’impossibilité pour les parties de concilier leurs positions et de trouver une solution commune. Chaque partie argumente, en vain, pour convaincre l’autre que « sa » solution constitue la seule façon juste de résoudre le problème.
Si cette façon de négocier en argumentant sur les mérites de « sa » solution est habituelle, il faut pourtant admettre qu’à l’exception des mathématiques, il est rare qu’un problème ne connaisse qu’une seule réponse, une seule solution dont on peut démontrer qu’elle est juste/correcte. Dans la réalité, il existe généralement plusieurs manières d’obtenir un même résultat et il n’y a aucune raison de croire que la première idée, la première solution proposée soit la meilleure. En outre, même si une solution semble excellente, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’en existe pas de meilleure, de moins coûteuse, de plus facile à réaliser ou qui soit plus fiable ou pérenne. Ce n’est qu’après avoir réuni un certain nombre d’idées, de pistes de solution que l’on pourra choisir celle qui correspond le mieux à nos besoins et aboutir à un accord gagnant-gagnant.
Les négociateurs et les médiateurs le savent bien : abandonner l’argumentation rhétorique et la persuasion au profit d’une négociation faisant appel à la réflexion de groupe et à la créativité de chacun est une technique qui a déjà fait ses preuves. Considérer les besoins et les contraintes de chaque partie comme les données de base d’un problème auquel il faut trouver ensemble une solution permet d’aboutir à un accord générant des gains mutuels (puisque les intérêts de toutes les parties auront été pris en compte).
C’est en ce sens que l’on parle de « réflexion créative » car il faudra nécessairement que les parties imaginent des solutions différentes de leurs positions respectives pour proposer quelque chose qui rencontre non seulement leurs propres intérêts mais également les besoins et les contraintes de l’autre partie.
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Mais être conscient des bénéfices d’un outil ne suffit pas à sa mise en œuvre.
Il n’est pas aisé d’amener les personnes à générer d’autres idées et à se détacher de « leur » solution, surtout lorsqu’il s’agit de trouver une solution dans un contexte conflictuel.
La phase de réflexion (appelée également phase des options) s’organise sous forme d’un brainstorming, qui intervient après avoir identifié les sujets à traiter et les besoins de chaque partie. Elle est donc très importante.
Il faut y accorder du temps et de l’énergie car il ne suffit pas de demander aux parties d’être créatif pour qu’une multitude d’idées soient tout à coup générées. Il faut se souvenir sans cesse que cette manière de résoudre les conflits n’est pas naturelle, et qu’il faut aider les parties à se débarrasser de leur habituelle négociation sur position.
Outre le fait qu’un exemple de réflexion créative vaut souvent mieux qu’un long discours, le médiateur parviendra mieux à mettre en place ce travail de réflexion des parties en le structurant.
Il est rare en effet que tout faire en même temps donne de meilleurs résultats que lorsque l’on fait une chose à la fois. C’est la même chose pour la réflexion. Si l’on tente de réfléchir en faisant tout à la fois (collecter des informations, chercher des (nouvelles) idées, identifier les risques, déterminer les avantages, tenir compte de son feeling, etc.), le processus devient confus.
Il est en outre plus difficile de se concentrer dans plusieurs directions à la fois. Lorsqu’on essaie de penser à tous les aspects d’un problème en même temps, le résultat de notre réflexion sera plus décevant que si l’on sépare les différents types de réflexion.
C’est pour cette raison que le point commun de la plupart des outils destinés à aider les parties à réfléchir à des solutions alternatives est de phaser la réflexion en distinguant la « pensée divergente » et la « pensée convergente ».
D’abord, on envisage un maximum d’idées, d’options, de pistes de solution (même si celles-ci semblent farfelues) sans en écarter aucune, ni évaluer leur mise en œuvre. On brainstorme à tout-va en privilégiant la quantité à la qualité et en n’hésitant pas à rebondir sur une première idée pour en construire une autre. Plus il y aura d’idées sur la table, mieux ce sera.
C’est la phase divergente.
Ensuite seulement, dans un deuxième temps, on évalue les différentes options émises pour déterminer celles qui doivent être retenues.
C’est la phase convergente, celle où on juge, on critique, on précise les différentes idées qui ont été proposées afin d’opérer une sélection.
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Loin d’être une perte de temps, la réflexion créative permet de mettre au jour d’autres solutions que les solutions toutes faites auxquelles on avait pensé dans un premier temps.