Régulièrement, la presse nous fait le observer: des agriculteurs qui protestent contre des prix trop bas, des produits indisponibles dans certaines chaines de supermarchés en guise de pression derrière des négociations en cours, ou encore des petits fournisseurs clamant des impositions unilatérales de conditions.
Dans une économie libéralisée, la concurrence semble un moteur économique sain, mais des tensions trop importantes, résultant de la divergence entre les intérêts économiques du consommateur et ceux des opérateurs peuvent être contreproductives.
Les différents pays de l’Union européenne ont apporté des réponses variées aux questions d’éventuelles pratiques commerciales déloyales : là ou certains ont opté pour un système très règlementée, d’autres ont laissé plus de place à l’autorégulation. Dans ce paysage hétérogène, ce qui est mis en place dans notre pays est unanimement considérée comme exemplaire.
Concertation volontaire
On se souviendra de la crise laitière de 2009, lors de laquelle les producteurs laitiers se révoltaient en déversant, en acte de désespoir et pour frapper les esprits, des millions de litres de lait dans les rues, mettant en cause une filière agricole qui ne rapportait plus de quoi vivre. Dans le sillage de cette crise – et comparable à une démarche dite « transformative » en médiation , ou une culture, accompagnées d’un dispositif pour éviter le conflit à l’avenir peuvent naître du conflit ad hoc – tous les maillons de la chaîne agroalimentaire belge se sont inscrits dans une démarche volontaire, dite Concertation de la chaîne agroalimentaire belge. Depuis lors, ils privilégient la voie du dialogue structurel, de l’échange d’informations, de la compréhension et collaboration mutuelles afin de renforcer l’ensemble de la chaîne, qui se trouve ainsi mieux armée pour faire face aux défis croissants. La pierre angulaire en est le Code de conduite pour des relations commerciales équitables entre fournisseurs et acheteurs dans la chaîne agro-alimentaire, reprenant 11 principes clairs de bonnes pratiques équitables et équilibrées, signé par les différentes fédérations professionnelles constituantes et acteurs économiques.
L’approche des litiges
Un comité de gouvernance gère ce code, veille à son respect, et traite les litiges relatifs à des infractions présumées ; ensuite, il peut proposer d’éventuelles adaptations.
Tant pour la prévention, que la gestion des litiges, qu’ils soient individuels ou agrégés, des procédures claires et précises ont été affinées. Le Comité de gouvernance tentera de réconcilier les parties, en appliquant lors de son évaluation le principe de base « comply or explain ». Les acteurs peuvent en effet, de commun accord, prévoir des dérogations aux recommandations du code, pourvu qu’ils clarifient leur politique commune en la matière. Le comité peut également formuler des recommandations non contraignantes à l’attention des parties concernant la résolution du litige.
Le Président indépendant du comité de gouvernance : un médiateur
Les organisations qui ont signé le code de conduite ont opté pour la désignation d’un président indépendant et externe, et c’est Georges Hanot, médiateur agréé (Con-Sent ADR) qui assume cette tâche.
Il préside le Comité de gouvernance, canalise les discussions, coache les membres du comité quant au bon fonctionnement et quant à l’approche collaborative en particulier, et veille au processus de la règlement de litiges.
Il garantit également l’anonymat aux entreprises qui souhaitent introduire une plainte de manière anonyme, le cas échéant via leur fédération concernée, ou en direct via le portail protégé .
Selon Georges Hanot, « Toutes les parties prenantes de l’initiative belge attachent beaucoup d’importance à un partenariat fort dans la chaîne, basé sur les trois piliers du développement durable (économique, écologique et social). Tout en préservant la liberté contractuelle, l’approche positive par un instrument flexible de règlement des infractions présumées est basée sur un modèle consensuel qui intègre des principes de médiation et porte ses fruits. L’obligation de confidentialité auquel j’ai engagé les membres de mon comité, et qui s’applique à l’ensemble des échanges au cours du processus, permet de lui donner toutes les chances d’aboutir.»
Evolution récente et avenir
Les initiatives dans beaucoup d’autres pays européens étant loin d’être aussi efficaces qu’en Belgique, les lobbies européens visant à davantage légiférer les relations dans la chaine ont, le 17 avril 2019, mené à la directive européenne 2019/633 « sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire » qui sera transposé par les différents Etats membres d’ici le 1ier mai 2021.
Suite à cela, différents acteurs de plateformes nationales ont décidé de réduire, voire cesser leur activité, tel que ce fut déjà le cas pour la plateforme européenne , une évolution regrettée par l’ensemble des acteurs belges. En effet, avec des relations commerciales de plus en plus globales, cela non seulement nous prive d’une plateforme collaborative transfrontalière, mais a également tendance à en promouvoir la juridisation, ce qui n’aura certainement pas été l’objectif de l’Europe.
La plateforme belge, qui a par ailleurs immédiatement entrepris une démarche de collaboration active avec les autorités en charge de la transposition dans notre pays, a affirmé sa volonté de continuité. Ceci-dit, certaines voix plaident à l’heure actuelle en faveur de la limitation des litiges traités par le comité de gouvernance à «ce qui ne sera pas couvert par la loi ».
Ce qui – ex absurdo – équivaudrait à limiter la médiation à « ce qui n’est couvert par la loi »…
Article écrit par Georges Hanot, médiateur