La stricte confidentialité légale instituée par l’article 1728 du code judiciaire[1], est fondamentale car l’efficacité de la médiation en dépend[2]. En effet, « pour que le médiateur soit en mesure de comprendre tous [l]es aspects du différend [qui lui est soumis], il faut que les parties se sentent libres de tout lui expliquer, comme elles le feraient à leur avocat ou à leur confesseur »[3]. Le médiateur « invite(r) les parties à se confier à lui librement, sans appréhension, sachant qu’elles ne sont pas là pour être « jugées » par celui à qui elles se confient » et que « les propos qu’elles tiennent lors des séances de médiation ne pourront être retenus contre elles (…) et révélés aux juges ou aux arbitres si la médiation n’aboutit pas »[4]. Les phases de négociation en sont facilitées par application du principe selon lequel « tant qu’on est pas d’accord sur tout, on n’est d’accord sur rien ».
L’article 1728 doit être confronté à l’article 6.2 du Code de déontologie, qui prévoit un certain nombre d’exceptions à la confidentialité de la correspondance entre avocats, dont le principe est visé à l’article 6.1.
Selon alinéa 3 du paragraphe 1er de l’article 1728 la confidentialité des échanges dans le cadre d’une médiation peut être levée avec le consentement écrit des parties, et dans les limites qu’elles déterminent.
De son côté, l’article 6.2 du Code de déontologie, de stricte interprétation, dispose que : « Perd son caractère confidentiel et peut dès lors être produite sans autorisation du bâtonnier :
5° toute communication, fût-elle faite à titre confidentiel au nom d’une partie, lorsqu’elle contient des propositions précises acceptées sans réserve au nom de l’autre partie ».
Tenter d’articuler ces deux exceptions n’est pas aisé. Ainsi, là où le Code judiciaire subordonne la levée de la confidentialité à un accord écrit des parties, le Code déontologique prévoit la levée d’office et automatique dans ce cas bien particulier d’acceptation sans réserve d’une proposition.
Est-il concevable dès lors que si une proposition est formulée par le conseil d’une partie en médiation, le conseil de l’autre partie l’accepte par un courrier officiel ? Peut-on considérer que l’échange intervenu dans le cadre de la médiation est – de la seule initiative du conseil d’une des parties – un document officiel pouvant être produit en justice pour prouver l’accord ? Non.
La levée du caractère confidentiel des échanges en médiation nécessite un consentement écrit des parties au processus de médiation que l’envoi d’un courrier confidentiel pouvant être accepté purement, simplement et officiellement ne peut pas constituer l’expression du dit consentement.
Raisonner sur la base de l’article 6.2, 5° du Code de déontologie pour considérer que la correspondance échangée par des avocats en cours de médiation est officielle, reviendrait à nier « l’essence même de la médiation »[5].
Enfin, il ne faut pas oublier, qu’en vertu du paragraphe 4, in fine de l’article 1728 du Code judiciaire, « les documents et communications confidentiels qui sont malgré tout communiqués ou sur lesquels une partie se base en violation de l’obligation de confidentialité sont d’office écartés des débats ». Il s’agit d’une disposition « anti Antigone ».
Il nous a donc semblé utile de rappeler aux avocats que, dès lors qu’ils interviennent dans un processus de médiation, ils sont tenus au strict respect des règles légales régissant cette dernière (i.e. les articles 1724 à 1737 du Code judiciaire) dont celle de la confidentialité des communications – et donc de leur correspondance – ayant lieu lors d’un tel processus (sauf accord écrit des parties). Et ce, peu importe le prescrit du Code de déontologie.
Philippe Van Roost, Gérard Kuyper et Guillaume Schultz
Contribution parue dans le Forum – Périodique d’information de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, Vol. Novembre 2019, no.274, p. 17.
[1] Tel que remanié par la loi du 18 juin 2018 portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges, M.B., 2 juillet 2017.
[2] P. VAN LEYNSEELE et F. VAN DE PUTTE, « La médiation dans le Code judiciaire », J.T., 2005, p. 302.
[3] P. VAN LEYNSEELE et F. VAN DE PUTTE, « Médiation : confidentialité et responsabilité », J.T., 1999, p. 255.
[4] P. VAN LEYNSEELE et F. VAN DE PUTTE, « La médiation dans le Code judiciaire », op. cit., p. 302.
[5] P. VAN LEYNSEELE, ibidem, p. 891 ; voy., sur cette question, la loi-type de la CNUDCI (UN) sur la médiation commerciale internationale et les accords de règlement internationaux issus de la médiation (2018) – pouvant servir de base à l’adoption de lois sur la médiation – qui prévoit en son article 11 que les parties ne peuvent présenter comme preuve dans une procédure judiciaire « e) le fait qu’une partie a indiqué être disposée à accepter une proposition de règlement présentée par le médiateur » ; adde l’article 11 f) de l’Acte uniforme relatif à la médiation (OHADA, 2017) prévoit une disposition identique et l’étend aux propositions formulées par les parties.