Article par Nathalie Uyttendaele
Le législateur du 18 juin 2018 a pris la responsabilité – choix que n’avait pas posé son prédécesseur de 2005 – de définir la médiation. Ainsi, selon les termes de l’article 1723/1 du Code judiciaire,
« La médiation est un processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties en conflit qui se déroule avec le concours d’un tiers indépendant, neutre et impartial qui facilite la communication et tente de conduire les parties à élaborer elles-mêmes une solution. »
La neutralité entre donc dans cette définition au même titre qu’elle figure dans les conditions d’agrément du médiateur, lequel, d’après l’article 1726, 3° doit
« présenter les garanties d’indépendance, de neutralité et d’impartialité nécessaires à l’exercice de la profession de médiateur agréé ».
Qu’est-ce que la neutralité ? Que ce soit sur le site de la Commission fédérale de médiation (https://www.cfm-fbc.be/fr/content/neutralite) ou dans l’esprit commun, neutralité et impartialité sont constamment associées, voire se confondent.
De manière peut-être réductrice, il pourrait être considéré que l’impartialité implique que le médiateur ne prend pas parti et ne privilégie aucune des parties en présence. La neutralité, elle, impliquerait qu’il ne pèse en rien sur la décision. A titre illustratif, le juge ou le conciliateur s’il doit rester impartial, n’est pas neutre. En effet, soit il tranche, soit il donne un éclairage influant sur la décision qui sera adoptée.
Il s’en déduit qu’est, désormais, privilégié, comme modèle en Belgique, la médiation facilitative ou intégrative par rapport à la médiation évaluative dans laquelle il peut être demandé au médiateur de donner son avis…
La différenciation des critères d’indépendance, d’impartialité et de neutralité ne tombe donc pas sous le sens. Or, l’on aperçoit mal comment il pourrait être demandé au candidat à l’agrément de « présenter les garanties d’indépendance, de neutralité et d’impartialité nécessaires » autrement qu’au moyen d’un engagement sur l’honneur de se conformer au Code de déontologie comme ce fut le cas pour le Code de bonne conduite. Dès lors, il sera fondamental que le médiateur agréé comprenne de manière précise les engagements qu’il prend en termes de neutralité et d’impartialité.
Il appartiendra donc à la Commission fédérale de médiation lorsqu’elle élaborera, conformément à l’article 1727, § 2, 1er, 5° du Code judiciaire, son Code de déontologie, de définir très précisément les notions d’indépendance, d’impartialité et de neutralité en les distinguant nettement.
Le paradoxe est que la neutralité doit être appréhendée comme une posture, un idéal à atteindre : comment donner à un idéal une définition juridique ?
L’avenir nous dira comment ces critères seront, je l’espère, précisés et à tout le moins appréhendés par la Commission.
cette contribution a été rédigée avant la publication du règlement de la CFM du 16 décembre 2020
Bibliographie :
· J. Cruyplants, M. Gonda & M. Wagemans, Droit et pratique de la médiation, Bruxelles, Bruylant, 2008.
· Rassemblement des Organisations de la Médiation en France, Code national de déontologie du médiateur, 5 février 2009, http://www.anm-mediation.com/images/ anm/documents/code-de-deontologie.pdf.
· Le médiateur : la neutralité, une nécessité éthique, mille difficultés pratiques, Les Cahiers de Montalieu, Rencontres annuelles de médiateurs exercés – La pensée en mouvement, éd. François Baudez, 2014, Montigny-le-Bretonneux.
· A. Pekar Lempere, J. Salzer & A. Colson, Méthode de médiation : au cœur de la conciliation, Paris, Dunod, 2018.· La médiation autrement, in les Dossiers du Journal des tribunaux, n° 109, Bruxelles, Larcier, 2019.